Podcast : Discussion expert sur l'IA et le piège du projet pilote
Écoutez la discussion audio entre deux experts sur le rapport McKinsey 2025. Conversation approfondie sur pourquoi les entreprises restent bloquées en phase pilote. Transcription complète disponible. 11 min.
Durée : 11 minutes 41 secondes
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Transcription complète de la discussion
Animateur : [00:00]
Bienvenue. Aujourd'hui on plonge dans un sujet qui est, ben, sur toutes les lèvres en 2025 : l'intelligence artificielle.
Animatrice : [00:08]
Difficile de passer à côté !
Animateur : [00:09]
Exact. Et on va voir qu'il y a un paradoxe assez fascinant qui se dessine. D'un côté, on a l'impression que l'IA est absolument partout.
Animatrice : [00:16]
Une adoption quasi universelle, oui.
Animateur : [00:19]
Mais de l'autre, une grande majorité d'entreprises semblent peiner à en tirer une réelle valeur. Un impact concret sur leurs finances.
Animatrice : [00:26]
C'est un décalage qui devient de plus en plus visible. L'enthousiasme est là, les projets se multiplient, mais les résultats, eux, se font attendre. On a l'impression que beaucoup d'organisations sont un peu prises dans ce que j'appellerais un « purgatoire de l'expérimentation ».
Animateur : [00:42]
C'est une bonne image. Et pour décortiquer ce phénomène, on s'appuie sur une analyse très pertinente publiée aujourd'hui même, le 26 novembre 2025. Ça vient du blog de la firme Force 5.
Animatrice : [00:55]
Hum hum.
Animateur : [00:56]
Et l'article se base sur un tout nouveau rapport de la firme McKinsey & Company, pour explorer ce que l'auteur nomme « le piège de la phase pilote ».
Animatrice : [01:02]
Alors notre objectif aujourd'hui, c'est de comprendre pourquoi tant d'entreprises sont coincées à cette étape.
Animateur : [01:08]
Exactement. Et surtout, voir ce que font différemment celles qui, elles, réussissent à percer.
Animatrice : [01:12]
On va voir que les obstacles ne sont pas toujours là où on les attend. Ce ne sont pas que des défis technologiques, mais aussi des réalités financières, opérationnelles et, bien sûr, culturelles.
Animateur : [01:23]
Alors, commençons par le portrait global. Le rapport de McKinsey, The State of AI in 2025, avance un chiffre qui est assez spectaculaire.
Animatrice : [01:32]
Oui. On parle de 88 % des organisations qui disent utiliser l'IA dans au moins une de leurs fonctions. C'est énorme. À première vue, on se dit : ben, la révolution est terminée.
Animatrice : [01:40]
C'est le chiffre de vitrine en quelque sorte, celui qui donne l'impression d'une adoption massive et réussie. Mais quand on creuse un peu, le portrait change radicalement.
Animateur : [01:50]
Ah oui. Le même rapport nous apprend que les deux tiers de ces entreprises – donc une très, très large majorité – n'ont pas encore réussi à dépasser le stade du projet pilote.
Animatrice : [02:04]
Attendez... deux tiers ? Ça veut dire que pour la plupart des entreprises, l'IA est une sorte de projet scientifique permanent ? Un laboratoire qui ne produit jamais rien pour l'usine ?
Animateur : [02:14]
C'est précisément ça. Le piège du pilote. Il y a beaucoup d'activité, beaucoup de buzz, mais très peu de transformation réelle des opérations.
Animatrice : [02:24]
Et j'imagine que ça se voit dans les chiffres financiers, directement.
Animateur : [02:27]
Exactement. Le blog de Force 5 souligne un autre chiffre clé : seulement 39 % des répondants déclarent un impact mesurable sur leur bénéfice avant intérêts et impôts (le BAII) à l'échelle de l'entreprise. Moins de 4 sur 10. C'est un décalage immense entre la perception d'adoption et la création de valeur réelle.
Animatrice : [02:46]
C'est un mirage de progrès.
Animateur : [02:47]
Cela dit, est-ce qu'on doit tout jeter ? L'article mentionne qu'il y a quand même des bénéfices, même s'ils ne sont pas directement financiers.
Animatrice : [02:54]
Oui, et c'est un point important. Les gains qualitatifs sont bien réels. Par exemple, 74 % des entreprises estiment que l'IA a amélioré leur capacité à innover.
Animateur : [03:04]
Ce n'est pas rien.
Animatrice : [03:05]
Non. Et 45 % rapportent une meilleure satisfaction de leur clientèle. Le problème, c'est que ces bénéfices restent souvent isolés. Ils ne se traduisent pas en performance financière durable pour l'ensemble de l'organisation.
Animateur : [03:18]
Le grand défi, c'est donc de convertir ces étincelles d'innovation en un véritable feu.
Animatrice : [03:23]
Voilà. Comment on passe de l'étincelle à l'incendie qui réchauffe les résultats ?
Animateur : [03:29]
D'accord. Alors, qu'est-ce qui coince ? Si les pilotes fonctionnent, pourquoi c'est si difficile de passer à la mise à l'échelle, le scaling ?
Animatrice : [03:36]
L'article identifie trois murs. Trois réalités auxquelles les entreprises se heurtent de plein fouet. La première, c'est ce que l'auteur appelle « la crise de la donnée ».
Animateur : [03:46]
On entend parler des données depuis des années. On pourrait penser que c'est un problème réglé en 2025.
Animatrice : [03:51]
On pourrait, oui. Mais la réalité est tout autre. Un pilote, ça peut fonctionner avec un petit jeu de données propre, bien structuré, préparé à la main. Mais pour un déploiement à grande échelle, le modèle doit se nourrir des données réelles de l'entreprise. Et c'est là que le cauchemar commence. Qu'est-ce qu'on découvre ?
Animateur : [04:11]
Un projet coûteux et complexe qui n'avait pas été anticipé.
Animatrice : [04:14]
Exactement. Le blog cite une autre étude, du MIT cette fois, The Great Divide. Et le chiffre est sidérant : 95 % des projets d'IA échouent à ce stade.
Animateur : [04:26]
Mais 95 % ?
Animatrice : [04:28]
Oui. À cause de ces problèmes de données et d'intégration. C'est une hécatombe.
Animateur : [04:30]
C'est presque un taux d'échec garanti.
Animatrice : [04:32]
D'accord. La crise de la donnée, c'est le premier piège. Mais j'imagine qu'il y en a d'autres.
Animateur : [04:36]
Le deuxième obstacle, c'est l'explosion des coûts. Les coûts d'infrastructure et, de plus en plus, de sécurité.
Animatrice : [04:42]
On n'est plus sur l'ordinateur portable du développeur.
Animatrice : [04:44]
Pas du tout. Faire fonctionner un modèle d'IA générative pour des milliers d'employés, ça demande une puissance de calcul phénoménale. Les fameux GPU, ces processeurs très chers.
Animateur : [04:56]
Les coûts d'infrastructure grimpent en flèche.
Animatrice : [04:58]
Oui. Et l'aspect sécurité aussi. Plus on déploie l'IA, plus la surface d'attaque s'agrandit. L'article mentionne un cas très récent documenté par Anthropic, ce mois-ci, en novembre 2025.
Animateur : [05:11]
Ah oui ? Qu'est-ce qu'ils ont montré ?
Animatrice : [05:12]
Ils ont démontré comment un agent IA, basé sur leur modèle Claude, a pu être utilisé pour orchestrer la majorité des tâches tactiques d'une cyberattaque complexe.
Animateur : [05:22]
Donc les risques ne sont plus théoriques.
Animatrice : [05:24]
Ils sont bien réels. Et se protéger, ça a un coût opérationnel très élevé qui, encore une fois, n'était pas prévu dans le plan d'affaires initial.
Animateur : [05:32]
Le troisième point soulevé par l'analyse est peut-être le plus surprenant. Ça concerne la croissance des coûts qui serait quasi linéaire.
Animatrice : [05:39]
C'est une distinction qui est absolument cruciale à comprendre. Le modèle économique de l'IA générative est radicalement différent de celui d'un logiciel en tant que service, un SaaS.
Animateur : [05:49]
Pour un SaaS, le coût pour servir un millième utilisateur de plus est presque nul.
Animatrice : [05:53]
Précisément. C'est ce qu'on appelle un coût marginal très faible. Avec l'IA générative, c'est l'inverse. Chaque requête, chaque question posée à un modèle comme ChatGPT, Claude AI ou Gemini...
Animateur : [06:05]
Chaque résumé de texte, chaque ligne de code.
Animatrice : [06:08]
...est un coût direct et immédiat. Un coût en puissance de calcul, en énergie, facturé en fonction du nombre de tokens traités. Donc, si le nombre d'utilisateurs double, les coûts d'opération doublent aussi.
Animateur : [06:19]
Il n'y a pas d'économie d'échelle de la même manière.
Animatrice : [06:22]
Exactement. Pour illustrer ça, le blog prend l'exemple le plus connu : OpenAI. C'est la vitrine du succès. On parle de plus de 800 millions d'utilisateurs en 2025, des revenus estimés à 13 milliards de dollars. On s'imagine une machine à profits. Et pourtant... la réalité financière est aux antipodes. Le succès d'OpenAI alimente en fait une accélération vertigineuse de ses pertes.
Animateur : [06:48]
De combien on parle ?
Animatrice : [06:50]
La source rapporte des pertes de 12 milliards de dollars pour le seul troisième trimestre de 2025.
Animateur : [06:56]
Pardon ? 12 milliards de pertes ? En un seul trimestre ?
Animateur : [07:00]
Mais comment c'est possible ?
Animatrice : [07:01]
C'est le cœur du paradoxe. Le modèle est structurellement déficitaire. Pourquoi ? Parce que 95 % de ces centaines de millions d'utilisateurs sont sur une version gratuite.
Animateur : [07:12]
Ah, d'accord.
Animatrice : [07:12]
Or, chaque requête, même gratuite, génère un coût réel et direct pour OpenAI. Ils subventionnent massivement l'utilisation de leur technologie.
Animateur : [07:21]
Mais c'est pas le modèle classique de la Silicon Valley, ça ? Perdre de l'argent pour conquérir le marché mondial et monétiser plus tard ?
Animatrice : [07:28]
C'est la question que tout le monde se pose, mais la comparaison a ses limites. Avec l'IA générative, ce n'est pas un coût d'acquisition ponctuel. C'est un coût opérationnel permanent pour chaque interaction. C'est comme si Amazon devait repayer chaque fois que vous tournez la page d'un livre que vous avez acheté.
Animateur : [07:46]
Je vois. Ce qui rend le modèle très difficile à rentabiliser. Et j'imagine que la solution, c'est de trouver des investissements gigantesques.
Animatrice : [07:54]
Colossaux. L'article mentionne un engagement rapporté de 1,4 billion de dollars sur 8 ans, simplement pour sécuriser l'infrastructure.
Animateur : [08:03]
1,4 billion...
Animatrice : [08:05]
Oui. Et même avec ça, la rentabilité ne serait pas attendue avant 2029 ou 2030. C'est une échelle que très, très peu d'organisations peuvent même envisager.
Animateur : [08:14]
Le tableau est assez sombre. On a la crise des données, l'explosion des coûts, un modèle économique difficile. Mais pourtant, le rapport de McKinsey identifie un groupe de High performers.
Animatrice : [08:25]
Oui. Des entreprises qui, elles, réussissent. Ce sont celles qui attribuent 5 % ou plus de leur BAII à leurs initiatives d'IA.
Animateur : [08:34]
Alors, comment font-elles ? Quel est leur secret ?
Animatrice : [08:37]
Ce n'est pas une seule chose, mais trois. Et la première, c'est leur niveau d'ambition. Ces entreprises n'utilisent pas l'IA juste pour automatiser une tâche ou réduire les coûts de 10 %.
Animateur : [08:48]
Elles voient plus grand.
Animatrice : [08:49]
Beaucoup plus grand. Elles utilisent l'IA pour créer de toutes nouvelles offres, pour se différencier radicalement et pour transformer leur modèle d'affaires.
Animateur : [08:58]
L'analyse de Force 5 ajoute que l'idée n'est pas juste d'automatiser un processus, mais d'utiliser l'IA pour amplifier l'ADN unique de l'entreprise. C'est une nuance fondamentale. Réussir à automatiser un processus qui est déjà mal conçu ou non compétitif, c'est simplement accélérer sa course vers l'insignifiance. Les gagnants se demandent plutôt : « Quelle est notre force unique ? » et « Comment l'IA peut-elle la démultiplier ? ».
Animateur : [09:24]
Le deuxième facteur de succès est tout aussi transformateur. Elles réinventent leurs processus.
Animatrice : [09:26]
Oui. Le rapport McKinsey montre qu'elles sont près de trois fois plus susceptibles de redessiner complètement leur flux de travail. Elles ne se contentent pas de greffer un outil d'IA sur une vieille façon de faire.
Animateur : [09:37]
Elles repensent tout en fonction de la collaboration entre l'humain et la machine.
Animatrice : [09:41]
...totale. Ce qui nous amène au troisième facteur, qui est probablement le ciment qui lie les deux autres : l'engagement du leadership. C'est le point de départ de tout. Chez les plus performantes, les dirigeants sont trois fois plus susceptibles d'être personnellement et fortement engagés.
Animateur : [09:57]
Ça veut dire qu'ils ne délèguent pas juste le dossier de l'IA au département des TI ?
Animatrice : [10:01]
Non. Ils investissent massivement, ils communiquent une vision claire et, surtout, ils modélisent eux-mêmes l'utilisation de ces outils au quotidien. Le leadership par l'exemple.
Animateur : [10:12]
Et là-dessus, l'article ajoute une mise en garde importante, tirée de l'expérience terrain de Force 5. Un projet mené en secret par la direction, sans impliquer les équipes sur le terrain dès le début, est presque toujours voué à l'échec.
Animatrice : [10:25]
C'est un équilibre délicat. Il faut une vision forte qui vient d'en haut, mais il faut aussi une appropriation qui vient d'en bas. Si les employés voient l'IA comme une menace, ils vont y résister.
Animateur : [10:36]
L'initiative frappe un mur de résistance au changement.
Animatrice : [10:39]
Peu importe la qualité de la technologie. L'implication des équipes, ce n'est pas une option, c'est une condition de succès.
Animateur : [10:45]
En somme, si on résume... L'adoption de l'IA est peut-être inévitable, mais le succès, lui, est loin d'être garanti. Pour éviter ce fameux piège du pilote, la technologie seule ne suffit clairement pas.
Animatrice : [10:58]
Loin de là. La recette du succès, ça semble être une combinaison d'ambition stratégique, une volonté de réinventer les façons de faire, et un leadership visible et engagé.
Animateur : [11:08]
Et tout ça, comme le souligne le blog, doit reposer sur une architecture numérique solide.
Animatrice : [11:14]
Absolument. Une fondation capable de maîtriser la complexité et les coûts réels du déploiement à grande échelle.
Animateur : [11:21]
Pour conclure, voici une dernière pensée à considérer. Une idée soulevée par l'article. Il suggère que le plus grand risque avec l'IA n'est pas l'échec technique. Non. Le plus grand risque, c'est de réussir à automatiser parfaitement un processus qui est fondamentalement mal conçu ou qui n'est plus compétitif.
Animatrice : [11:39]
C'est une excellente réflexion.
Animateur : [11:41]
La question à se poser n'est donc pas seulement « Que peut-on automatiser ? », mais plutôt « Quelle capacité vraiment unique de notre organisation, si elle était amplifiée par l'IA, transformerait véritablement notre marché ? ». C'est la question à un million de dollars. Et pour celles et ceux qui souhaitent creuser davantage ce sujet, l'article mentionne que le site de Force 5 contient de nombreuses autres ressources. On y trouve des blogs similaires, des foires aux questions très détaillées et des études de cas sur des transformations numériques réussies. L'adresse est le https://force5.ca/.
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